top of page

CRISE IMMOBILIÈRE : DÉCRYPTAGE AVEC RENAUD CORMIER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE THESEIS.

Photo Cormier.jpeg

Renaud Cormier est Directeur Général de Théséis et Président de l’Association Française de l’Immobilier Locatif (AFIL). Très investi depuis le début de la crise, Monsieur Cormier présente la situation sans langue de bois mais reste force de propositions.

Comment décririez-vous la crise immobilière que traverse la France depuis près de 12 mois ?

 

Cette crise est inédite. Elle est tout d’abord extrêmement profonde car, si elle est apparue aux yeux de tous au cours de l’exercice 2023, elle couve depuis 2018, année pendant laquelle l’ensemble des indicateurs avancés de la construction neuve se sont inversés. Le COVID, l’inflation, les difficultés d’approvisionnement, l’augmentation subite des taux, le non assouplissement des conditions d’octroi imposées par le HCSF ou encore le durcissement des contraintes de normes énergétiques ont transformé une crise de l’offre en crise de la demande. Nous sommes aujourd’hui dans une crise du logement d’une ampleur que nous n’avons pas connue depuis plusieurs décennies. Cette crise est d’autant plus grave qu’elle touche, sans exception, l’ensemble des marchés, le neuf comme l’ancien, le logement collectif comme la maison individuelle ou les résidences de services, les acquéreurs comme les investisseurs. Au-delà du logement, c’est également l’immobilier de bureau qui est dorénavant touché. Le seul marché qui surnage un peu pour le moment, c’est celui de l’ancien rénové, mais cela reste aujourd’hui un marché dont les volumes sont faibles et dont les modèles économiques restent extrêmement fragiles.

La réduction d'impôt Pinel ne sera vraisemblablement ni reconduite, ni remplacée. Pensez-vous que le gouvernement a pris une bonne décision ?

 

On ne peut prendre une bonne décision que si l’on prend le temps d’en examiner les causes et les conséquences. En l’occurrence, il a été décidé de manière totalement dogmatique d’arrêter un dispositif dont les résultats sont probants pour qui veut prendre le temps de les étudier. C’est par ailleurs un dispositif qui depuis 2014 a fait l’objet d’adaptations pour en atténuer les potentiels défauts et en renforcer l’efficacité. Enfin, c’est un dispositif vertueux pour les finances publiques, qui rapporte plus de recettes fiscales qu’il ne génère de dépenses ou de manque à gagner. Aujourd’hui ce dispositif est en passe d’être totalement stoppé, sans qu’aucune alternative sérieuse ne soit étudiée. Depuis 2019 et un rapport à charge de l’IGF d’une incroyable malhonnêteté intellectuelle, est évoquée comme alternative le développement de l’intervention d’acteurs institutionnels pour pallier la chute très prévisible de l’investissement dans le logement neuf intermédiaire. Des dispositifs de ce type existent depuis 2014, et ils ont eu une quasi décennie pour faire la preuve de leur très relative efficacité, alors même que l’environnement de taux et donc la capacité à lever des capitaux était beaucoup plus favorable. Nous sommes donc en train de lâcher la proie pour l’ombre alors même que la situation est catastrophique. C’est irresponsable.

Quelles seraient selon vous les mesures concrètes et faciles à prendre pour relancer l'immobilier ?

 

D’une manière générale, il est urgent de libérer le crédit immobilier et donc de dissoudre le HCSF. Alors même que la sinistralité du crédit immobilier est historiquement extrêmement faible en France, le HCSF n’a de cesse d’imposer des évolutions règlementaires à contre-courant des mouvements de marché. Il est de notoriété publique que nos banques, parmi les plus importantes au monde de par leur taille, sont réputées pour leur frilosité en termes de politique de gestion des risques. En ce qui concerne l’ancien, la hausse violente des taux d’intérêts conduit à une insolvabilité des acquéreurs et des investisseurs, il faut que les prix s’ajustent pour que les transactions reprennent. En ce qui concerne le neuf, l’insolvabilité des acquéreurs et des investisseurs est aussi liée aux multiples contraintes qui sont imposées, que ce soit en termes de construction de fiscalité (TVA à 20%). La relance de l’immobilier neuf passe toujours par celle des investisseurs. Il leur est de plus demandé aujourd’hui d’accepter le plafonnement des loyers, notamment dans les zones tendues, il serait donc logique de les accompagner. Soit on supprime suffisamment de contraintes, notamment fiscales, pour faire revenir les investisseurs et rendre de nouveau attrayant l’investissement dans le logement intermédiaire, soit il faut compenser au moins les contraintes imposées. Le sujet du statut du bailleur privé est évoqué par de nombreuses associations professionnelles. C’est une piste sérieuse qui permettrait de moduler la fiscalité des propriétaires en fonction des efforts qu’ils consentiraient, notamment dans les dépenses de rénovation pour remettre sur le marché de l’ancien et/ou dans les niveaux de loyers pratiqués.

Comment voyez-vous les 12 mois à venir pour l'immobilier ?

 

L’immobilier en général et le logement en particulier font face à une année 2024 qui va selon moi rester extrêmement compliquée. L’inertie des différents marchés et le retard pris dans la prise de conscience de l’ampleur de la crise, ne permettront pas d’adopter rapidement des mesures susceptibles d’impacter rapidement le secteur. Si des mesures efficaces étaient enfin prises dans les prochains mois, elles ne produiront d’effets visibles qu’à compter de 2025 au plus tôt. L’ajustement des prix dans l’ancien, la stabilisation qui semble en cours des taux et une volonté plus forte des banques de réouvrir l’accès au crédit immobilier permettront peut être une très légère amélioration sur le second semestre. Les professionnels doivent pour autant travailler d’arrache pieds à

adapter leurs produits et leurs offres pour contribuer au redressement des différents marchés en resolvabilisant le plus possible acquéreurs et investisseurs. Dans le domaine de la rénovation de l’ancien notamment, beaucoup reste à faire mais trop peu de professionnels s’intéressent pour le moment à ce secteur.

bottom of page